Et si la vérité était là? [libre à tous - Eva aussi ^^]

La bibliothèque était un lieu où Severus se plaisait beaucoup. D'abord pour cet entourage livresque et littéraire qu'il ne pourrait trouver nulle part ailleurs, ensuite pour le calme qui y régnait. Il considérait cet endroit comme un lieu béni. Un lieu qui répondait à quasiment toutes ses attentes. C'est pour cela qu'il venait y passer beaucoup de temps.

Aujourd'hui, le Serpentard s'était installé dans le fond de la bibliothèque, bien loin de l'endroit précis où il travaillait souvent, auparavant du moins, avec Lily Evans. Loin de cette table où, assis côte à côte, il avait découvert qu'il éprouvait quelque chose d'un peu différent du sentiment d'amitié envers la jeune rouge et or. Rogue savait bien sûr qu'il appréciait la jeune fille, mais avec le temps, cette appréciation s'était muée pour devenir quelque chose de difficilement descriptible : un besoin de la voir, une folie déconcertante dans des rêves nocturnes, une timidité terrible en face d'elle... Les mots lui avaient manqué pour décrire ce qu'il ressentait. Puis il en était venu à une conclusion qui crevait les yeux mais qu'il n'osait accepter : Severus Rogue était tombé amoureux. Il y avait des années de cela, déjà, et il ne lui en avait jamais parlé. Elle l'avait toujours considéré comme un ami, peut-être le meilleur, mais rien de plus.

En parlant de cette jeune et jolie Gryffondor, elle était installée justement à la table en question... à leur table... et vue d'ici, elle paraissait encore plus belle... une beauté un peu plus farouche, plus énigmatique... Severus la voyait un peu différemment depuis quelque temps...

Très loin de lui, finalement. Mais Rogue n’était pas hypocrite, il n’allait pas faire semblant d’apprécier son ennemi de toujours pour faire plaisir à celle avec qui il avait eu une relation amicale tout à fait alchimique.

Et voilà soudain qu’un bruit sourd se fit entendre de ce côté-là. Rogue releva le nez du grimoire dans lequel il était plongé, le regard noir. Non seulement elle lui gâchait la vie, mais en plus elle se permettait de venir gâcher son petit coin de paradis ?

Mais non, ce n'était pas elle. Lily était trop soigneuse pour faire tomber un livre comme cela. Mais pourtant, il y avait bien eu une chute quelque part... Le regard du vert et argent balaya la bibliothèque, du moins, tous les coins et recoins qu'il pouvait observer de là où il était. Alors il le vit. Un grimoire, par terre. Il semblait être là par hasard, un peu comme un cheveu qui serait tombé dans un chaudron de potion bouillonnante…

"Par Salazar, qu'est-ce qui se passe ici?"

Il avait parlé à voix basse, comme s'il s'était posé la question à lui-même, mais quelqu'un lui répondit tout de même...

(ça te gène si c'est moi qui squatte ?)

Il était rare de voir Lucius Malefoy pénétrer dans la bibliothèque. Le jeune homme s'était toujours débrouillé pour obtenir des notes tout à fait honorables sans jamais se fouler.

Plus rare encore était le fait de voir Lucius seul. D'aucuns, quelque peu mauvaises langues, diront sans doute que pour quelqu'un comme lui, en permanence entouré d'une demi-douzaine de larbins et d'à peu près autant de courtisanes, être seul plus de cinq minutes relevait de l'exploit. A ceux-là, je répondrai seulement : pas sûr. Contrairement à ce qu'on pensait généralement en voyant l'attitude de l'héritier Malefoy, Lucius connaissait la solitude, plus qu'il ne l'aurait souhaité. C'était seul dans le vaste manoir familial qu'il avait grandi, seul encore qu'il se retrouvait pendant les mois de vacances. Et, dans son esprit, une chose était sûre : il détestait ça.

Néanmoins, tout arrive, et ce jour-là, c'est après avoir éloigné sa clique habituelle que Lucius vint profiter - une fois n'est pas coutume - du calme de la bibliothèque pour faire semblant de travailler et rédiger quelques lettres. Au moins, ici, on ne viendrait pas lui casser les pieds à lui demander ce qu'il faisait et à qui il écrivait. Histoire de donner le change, il avait récupéré quelques grimoires traitant d'un sujet sur lequel il était censé rédiger un essai pour la semaine suivante - il ferait encore ça du jour pour le lendemain, à l'arrachée - et s'était affalé à une table.

Songeur, il resta un long moment immobile, la plume en suspens au dessus du parchemin, un grimoire ouvert devant lui, qu'il regardait sans le voir. Ecrire, soit, mais écrire quoi ? Que dire à des gens que les conventions vous obligent à nommer père et mère, mais qui se foutent du tiers comme du quart de ce que vous leur racontez ? Il était plus facile pour lui d'écrire à sa correspondante, fille de l'un des "business partners" de son père sur le Continent. Elle avait l'immense avantage de ne jamais juger, et de sembler s'intéresser à tout ce qu'il lui disait. Aussi est-ce à elle qu'il choisit d'adresser sa première missive...

Malheureusement, il n'eut pas le temps d'écrire plus que deux mots sur son parchemin : l'un des grimoires qu'il avait empilés sur un coin de la table, venait de choisir de se soumettre aux lois de la gravité et avait chuté sur le sol avec un "Bardaf" peu discret. Lucius soupira et allait le ramasser quand une voix, non loin de son oreille, râla :

Par Salazar, qu'est-ce qui se passe ici ?

Lucius se redressa et, croyant avoir affaire à quelque Serdaigle, lâcha :

C'est bon, y a pas mort d'homme, tu le retrouveras, ton silence bien-aimé !

Mais, en se retournant, le préfet Serpentard s'aperçut que le râleur en question était l'une de ses connaissances...

Tiens donc, Severus... C'est rare de te voir dans ce coin-ci... Tu t'es enfin décidé à lâcher ta Sang-de-Bourbe ?

Le silence que Severus aimait tant avait un tas d'atouts indéniables... à commencer par celui de ne pas vous déranger en plein travail ou de ne pas vous distraire, simplement... Alors quand il était brisé, le Serpentard se sentait presque touché directement par le manque de respect que cela lui suggérait.

Or, donc, le bruit mat d'une chute d'ouvrage avait distrait Rogue, le forçant à relever le nez de sa lecture analytique pour se concentrer sur l'endroit qui avait été la source de ce trouble. Et quand il proféra quelque remarque, la voix qui lui répondit l'étonna. Bien sûr, Sev avait reconnu les intonations graves et renommées de Lucius Malefoy, un élève de sa maison, son aîné, et son mentor à son arrivée à Poudlard. Sans lui, Severus n'aurait jamais eu la chance de s'intégrer dans sa propre maison.

Cependant, malgré le fait qu'il tînt tant à cet ami, il y avait quelque chose que le Prince de Sang-Mêlé ne supportait pas : c'était que l'on insulte sa meilleure amie. Même si c'était fondé et justifié. Malefoy n'avait pas le droit de parler d'elle comme cela.

"Il n'est pas rare de me trouver ici, Lucius... c'est plutôt toi qui n'es pas vraiment un habitué des lieux..."

Rogue n'avait jamais que peu de verve envers ses égaux. Enfin, envers ceux qu'il considéraient comme tels. Son air contrit disparut rapidement pour laisser une expression tout à fait neutre sur son visage anguleux.

"Alors, comment vas-tu?"

Lucius eut un sourire-éclair. Il avait touché un point sensible, il le savait parfaitement, mais ne désespérait pas de faire un jour réagir Severus. Le jeune homme, bien que son cadet, lui avait fait dès sa première année forte impression : il était doué, et visiblement intelligent. Son seul défaut - aux yeux de Lucius, du moins - était cette née-Moldue dont il était entiché. Comment pouvait-on être ami avec une personne si inférieure, voilà qui dépassait l'entendement !
Le jeune homme haussa les épaules. Severus avait réagi promptement, signe qu'il n'était pas encore "prêt". Dommage ; Lucius était persuadé qu'il ferait une bonne recrue... Il lâcha :

Tu vois, l'improbable arrive parfois. Même moi, il m'arrive de venir bosser...

Lucius savait à l'occasion faire preuve d'autodérision - uniquement devant un public choisi, toutefois. Il reposa le grimoire sur la table, de façon à ce qu'il ne s'écroule pas de nouveau, et vint s'appuyer à la chaise en face de celle de son condisciple.

Moi, ça va toujours. Toi, par contre, je n'en jurerais pas. On te voit encore moins souvent qu'avant. Pourtant, je ne croyais pas ça possible...

Le jeune homme se pencha et s'accouda à la-dite chaise, observant Severus.

Depuis la bataille, tu joues les fantômes...

Bataille qui avait valu à Lucius un court séjour à Ste Mangouste, pour une blessure légère. Dieu merci, sa couverture n'avait pas été éventée...

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